Octopath Traveler

Test

Le 05 septembre 2018 à 12:18 par Bastien 0 commentaire
Artwork d'Octopath Traveler

RPG sans grande prétention conçu par l’équipe de Bravely Default, Octopath Traveler est devenu par la force des choses le jeu le plus désiré du mois de juillet sur la console la plus désirée de ces dernières années. Imaginée pour les nostalgiques, sublimée par une direction artistique étonnante, cette aventure estivale de poche peut-elle vraiment, comme elle l’entend, retrouver la grandeur des jeux japonais de l’ère Super NES ? Verdict après une cinquantaine d'heures passées sur les traces de ces huit voyageurs...

Sociopath Traveler

Probablement inspirés par de grands classiques comme les inoubliables Final Fantasy VI et SuikodenOctopath Traveler raconte une aventure dont les enjeux et les histoires sont centrés autour de huit personnages principaux. C’est d’ailleurs ce qui devait séduire les amateurs de grandes épopées : huit héros, huit destins et un tour du monde. En laissant le joueur choisir en début de partie son protagoniste et donc sa ville de départ, les développeurs donnent ainsi l’illusion d’un RPG dont vous êtes le guide, où les choix pourraient avoir un impact sur la narration ou l'issue de certains évènements. On comprend très vite qu’il n’en est rien, et qu’il faudra compléter progressivement les quatre chapitres des aventuriers quitte à passer du coq à l’âne pour ne pas se laisser surprendre par la différence de niveau entre les ennemis et l’équipe. Peut-être qu'une structure plus cohérente aurait permis d'éviter un tel morcellement de l'histoire et les inévitables rappels des évènements précédents au début de chaque arc. Au cours de ma progression, certains personnages ont rapidement atteint le level 45 recommandé pour découvrir leur épilogue tandis d’autres ont dû passer par quelques phases de montée en niveau forcées, reflétant aussi une certaine irrégularité dans l’équilibrage de certains segments.

Tous très différents dans leur caractère, leur vocation et leur classe sociale, les huit protagonistes ne sont jamais présentés comme de grands guerriers ou l'unique espoir d’un monde dévasté. Au contraire, et cette dimension modeste les rend d’autant plus attachants, ils doivent résoudre des affaires très personnelles dans un univers médiéval assez classique et concret, si l’on fait abstraction de certains dénouements et de la fin cachée. Le contraste entre l’esthétique des années 90 et certaines thématiques contemporaines (le viol par exemple) renforce l’emphase portée sur ces destinés individuelles. Mais cette épopée se vit à plusieurs, élément fondamental du genre RPG que les développeurs semblent avoir oublié. Les huit combattants n’ont malheureusement que très rarement des interactions en eux. Quand par miracle cela se produit, c’est au détour d’un menu spécial (l’interface vous suggère d’appuyer sur « + » pour découvrir des échanges anecdotiques) ou après un fondu au noir qui fracture l'écriture. Au final, ce n’est vraiment que dans l’effort, pendant les affrontements, que l’équipe est vraiment soudée.

Épiques failles

Si la progression linéaire narration-exploration-donjon-boss reste la même à chaque chapitre, quelques particularités de gameplay déjà rencontrées dans Bravely Default permettent de pimenter les combats. La clé, c’est la classe. Ou plutôt, les armes et compétences spécifiques à chaque classe. Tous les ennemis et boss disposent d’une ou plusieurs faiblesses qui une fois exploitées font baisser leur garde jusqu’à la rupture (la « faille »). Une fois l’adversaire à découvert et inactif, l’équipe dispose d’un tour complet pour envoyer ses meilleures techniques, après quoi il faudra recommencer l’opération. Très vite, on s’aperçoit que le niveau minimum recommandé au moment d’entamer un nouveau segment d’aventure est souvent sous-évalué, car les groupes de monstres croisés aléatoirement sur la route sont parfois redoutables, pour peu que vos combattants les plus adaptés traînent dans votre équipe de réserve. Un petit passage par la taverne du village est alors indispensable pour réorganiser le groupe.

À l’image de sa fin secrète très secrète, Octopath Traveler cache également un système de classes secondaires pourtant essentiel à bonne tenue de l'aventure. C’est en étant un peu curieux et en découvrant l’un des huit temples cachés sur la carte que l’on découvre la possibilité de spécialiser ses héros dans une seconde discipline. Le bénéfice est immédiat : en plus d'optimiser le groupe pour couvrir toutes les faiblesses des ennemis rencontrés, cela permet de soigner et renforcer l’équipe plus facilement... ce qui n'est pas un luxe. C’est aussi l’occasion de débloquer, moyennant quelques points de compétence supplémentaires, une nouvelle aptitude divine pour terrasser les boss. Car ces sacs à PV escortés par des sbires toujours plus sournois sauront vous faire grimacer, vous décourager pour vous faire revenir plus fort et mieux préparé. Cette sensation parfois frustrante propres aux titres japonais rappellera aux plus vieux d’entre-nous l’époque pas si lointaine des petits carnets dans lesquels on griffonnait le moindre détail utile à notre progression.

Nous avons essayé de faire un jeu qui nous replonge à l'époque où les joueurs devaient imaginer les situations et les émotions, mais avec un rendu graphique nouveau.

Masashi Takahashi
Octopath Traveler - Gameplay dans la forêt

16-bit en profondeur

L'emballage soigné d'Octopath Traveler était l'un de ses principaux arguments mis en avant à la minute même où l'équipe de Tomoya Asano dévoilait les premières images du jeu. Il faut dire qu'après les deux tentatives discutables de Tokyo RPG Factory en matière de RPG d'inspiration rétro (I Am Setsuna et Lost Sphear), il fallait marquer les esprits ou s'abstenir. Le résultat est assez inédit : un savant mélange entre de très jolis sprites pixelisés, des décors en 3D, des effets de lumières dynamiques portés par l'Unreal Engine 4 et des éléments photoréalistes (l'eau et le feu par exemple sont très réussis), soutenus par une focale offrant des flous d'avant et d'arrière-plan surprenants. Seules les animations des ennemis, notamment celles des immenses boss, auraient mérité quelques efforts (ou un budget) supplémentaires. L'ergonomie elle aussi a été pensée pour mettre en avant le travail des artistes : les menus restent discrets en toute circonstance, quitte à afficher des textes minuscules en mode portable. On regrettera quand même l'absence de certaines facilités auxquels les jeux les plus récents nous ont habitué comme un mode rapide ou la suggestion des attaques les plus adaptées une fois les faiblesses de l'ennemi connues, ce qui aurait permis d'expédier les affrontements les plus triviaux. Des reproches qui restent de l'ordre du détail, car Octopath Traveler évite soigneusement les allers-retours permanents dans les menus.

Dans le casque, on se frotte à quelques compositions invitant au voyage (Main Theme ou The Cliftlands), d'autres plus mystérieuses et dramatiques (Beneath the SurfaceOn a Knife's Edge) et enfin quelques thèmes de combat motivants (Decisive Battle II). Le travail efficace de Yasunori Nishiki accompagne avec justesse les moments importants de l'aventure sans jamais tomber dans la surenchère. Les puristes apprécieront la possibilité de choisir entre les voix japonaises originales ou le doublage anglais, même si les interventions des héros se résument à quelques mots et interjections. Enfin, Nintendo oblige, l'intégralité des textes est localisée dans un français impeccable. Il faut le dire, cette qualité de traduction qui met aussi bien en exergue les différents registres de langue des personnages n'est généralement rencontrée que dans les plus grosses productions de Square Enix. Un effort admirable opéré dans les principaux pays d'Europe et largement récompensé par les ventes inattendues du titre partout dans le monde. Un mois seulement après sa commercialisation, un millions d'Octopath Traveler avaient déjà été distribuées. Une belle histoire qui en appellera d'autres...

Résolument rétro dans son look, moderne dans son approche, Octopath Traveler se retrouve finalement le cul entre deux chaises. Si la direction artistique et l'exécution graphique sont incontestablement ses grandes forces, sa narration individualiste hachée et sa construction répétitive (certes adaptée aux petites sessions de jeu) en font une aventure qui s'essoufle sur la longueur. Les amateurs de challenge seront néanmoins servis : avec près de 55 heures au compteur pour en voir le bout et près d'une centaine pour découvrir tous ses secrets, le RPG de l'été de Square Enix sur Switch ne manque décidément pas de générosité. Octopath Traveler ni une révolution ni un hommage éblouissant mais il contentera les jeunes joueurs curieux ou les trentenaires nostalgiques.

14
Très agréable visuellement
Combats stratégiques et haletants
Une certaine liberté de progression
Où sont les interactions entre les héros ?
Structure répétitive sur 32 chapitres
Quelques combats de boss injustes