Le Mythe du Cristal et Final Fantasy XIII

Le 13 mars 2010 à 11:28 par Sacha 0 commentaire


À l'occasion de la Game Developers Conference, Motomu Toriyama a fait le déplacement jusqu'à San Francisco pour tenir une conférence d'une heure sur Final Fantasy XIII, et principalement pour expliquer la conception de la compilation Fabula Nova Crystallis. Mais il ne s'est pas arrêté là, puisqu'il a également parlé de son passé chez Square, des techniques de narration mises en place dans cet opus et de ses conséquences, ainsi que du futur de la série.


Motomu Toriyama a rejoint Squaresoft en 1994, peu de temps après le lancement de Final Fantasy VI. Il se rappelle avoir participé à une réunion rassemblant une quarantaine de personnes, parmi lesquelles Hironobu Sakaguchi, Tetsuya Nomura et Yoshinori Kitase. Il s'agissait en fait d'un brainstorming pour Final Fantasy VII, et tous les membres de l'équipe présentaient leurs idées comme elles leur venaient : personne n'était cantonné à un seul poste strictement axé sur le scénario ou le système de combat, même si les bases de l'histoire étaient conçues par les trois personnes citées. Au final, c'était plutôt celui qui avait la meilleure idée qui l'emportait.

En tant que nouvel employé sans expérience, Motomu Toriyama a été chargé du scénario et des cut-scenes de Bahamut Lagoon. À l'époque, les choses étaient plus flexibles, et Squaresoft apprenait les ficelles du métier à ses employés pour qu'ils puissent évoluer, sans distinction de domaine. Mais lorsque le nombre de développeurs est arrivé à 200, le rôle de chacun d'entre-eux à été fixé pour établir un ordre. Avec la fusion avec Enix, non seulement le nombre d'employés à former a augmenté de nouveau, mais le nombre de consoles à exploiter également, avec la sortie de la Nintendo DS et de la PSP. Toriyama a alors rassemblé une équipe de scénaristes pour travailler sur de nouveaux projets comme la série Crystal Chronicles et Dissidia Final Fantasy.


C'est avec Final Fantasy X-2 que Square Enix a vraiment considéré sérieusement la possibilité de réaliser plusieurs jeux dans un même univers. Si ce titre a plus ou moins hérité des qualités de son prédécesseur, l'approche quant à ce genre de projet s'est développée : plusieurs titres partageant une même mythologie peuvent présenter un gameplay très différent l'un de l'autre. Dirge of Cerberus -Final Fantasy VII-, jeu de tir à la troisième personne, en est un exemple assez parlant.


Et c'est dans cette optique qu'est né le nouveau mythe du Cristal il y a cinq ans. Son concept est de mettre en scène les relations entre humains et Dieux, et de raconter cette histoire du point de vue des humains. En ce sens, Toriyama le compare à la mythologie grecque. Le mythe du Cristal, appelé Fabula Nova Crystallis, sert ainsi de base à Final Fantasy XIII, Final Fantasy Versus XIII et Final Fantasy Agito XIII. Cette mythologie n'est pas un obstacle lorsqu'il s'agit de réaliser un nouveau jeu l'exploitant puisque le gameplay, les personnages et l'histoire sont à chaque fois différents.


Final Fantasy XIII est composé deux mondes : Cocoon, où la technologie est omniprésente, et Gran Pulse, résolument primitif. Ces deux mondes sont gouvernés par des fal'Cie, entités supérieures qui s'affrontent. Le thème du jeu est le combat contre le destin : ce que doivent faire Lightning et ses compagnons, choisis comme l'Cie par ces fal'Cie. Toriyama souhaite que les joueurs s'identifient à ces personnages et à leurs difficultés, comme il l'expliquait dans notre interview. Le titre s'inspire aussi dans une certaine mesure de la série télévisée Lost, notamment du point de vue des flashbacks et de facteurs extérieurs inconnus : une formule assez différente de celle du RPG japonais traditionnel.


Le développement de Final Fantasy XIII avait débuté sur PS2, et l'accent avait déjà été mis sur la conception du système de combat. Durant les phases d'exploration, le joueur avait par exemple la possibilité d'attaquer les ennemis pour les jeter violemment contre un mur. Cette idée est probablement à l'origine du système de "Choc" de la version finale du jeu. Mais avec la démocratisation des doublages, il est aussi devenu important de concevoir des histoires sophistiquées : des scénaristes plus compétents ont alors été embauchés à cette fin.

Si le développement du titre a été assez long, c'est en partie à cause de l'importance accordée aux cut-scenes. Le scénario devait être peaufiné à la perfection, et a été abordé comme celui d'un film d'animation. Le design des niveaux a ainsi été sujet à une attention toute particulière : il fallait décider du nombre de combats, les répartir correctement dans les différents environnements et insérer un événement tous les trois à sept affrontements. La priorité avait été donnée au placement de ces cut-scenes : avec le nombre de personnes travaillait sur cet aspect du jeu, il aurait été beaucoup trop long de revenir en arrière pour apporter des changements à l'organisation des niveaux.


Final Fantasy XIII a été conçu comme un titre porté par son scénario. Toriyama souhaitait en effet que l'équipe se concentre sur ce point, et non sur l'ajout de villes, qui aurait ralenti le développement et n'aurait pas collé à l'histoire. "Les personnages principaux sont des l'Cie, des ennemis de l'humanité pourchassés qui tentent de fuir. Ils ne pourraient pas s'arrêter en ville pour se relaxer."


Toriyama a ensuite commenté les deux graphiques ci-dessus. Des groupes de personnes (en bleu, des Japonais, et en jaune, des Américains) ont été sondées sur les différents aspects du jeu : de gauche à droite, l'histoire, les personnages, la difficulté, les combats, les environnements, les cinématiques et le son. Si les Japonais ont plus apprécié l'histoire et les personnages que les Américains, c'est l'inverse qu'on peut observer en ce qui concerne les combats et les environnements.

En prenant des exemples un peu libres pour illustrer le RPG à l'occidentale (Hitman et Tomb Raider), Toriyama explique que ces derniers se jouent du point de vue du joueur, et non du personnage joué. Dans les RPG japonais, le joueur est plutôt une tierce partie, extérieur à ce qu'il se passe. Au Japon, le public préfère découvrir et apprécier les sentiments et les réactions des personnages. Et dans Final Fantasy XIII, l'interactivité se fait avant tout au niveau des combats. "Je pense qu'il y aura plus de possibilités d'interactions dans le futur. Imaginez par exemple un millier de dragons volants : sauter de l'un à l'autre serait terriblement amusant."


Les Final Fantasy devraient-ils être axés sur un monde ouvert ou sur le scénario et les personnages ? À cette question, Toriyama admet qu'un monde ouvert veut bien entendu dire plus de liberté, mais que tout dépend de l'équilibre trouvé. En effet, un monde ouvert suppose également plus de cut-scenes, plus de planification et de ressources mises en œuvre, et peut-être, en conséquence, une qualité moindre. Ce sont les scénaristes et les designers qui doivent essayer d'augmenter la liberté à travers les thèmes choisis, les environnements et le gameplay. Mais quoi qu'il arrive, les Final Fantasy se focaliseront toujours sur l'histoire, conclut-il.