Bravely Default II

Test

Le 27 mars 2021 à 11:44 par Bastien 0 commentaire
Artwork de Bravely Default II

Tentant de faire oublier un Bravely Second copieusement critiqué pour son recyclage décomplexé et ses longueurs épuisantes, l'équipe de Tomoya Asano, près de 3 ans après le succès inattendu d'Octopath Traveler, envisage de reconquérir le cœur des fétichistes du J-RPG le plus traditionnel qui soit. C'est une fois de plus sur Switch que les développeurs de Final Fantasy III et IV sur Nintendo DS ont réuni tous les ingrédients phares des aventures cultes de Square saupoudrés de quelques idées nouvelles qui font de Bravely Default II un jeu aussi touchant que captivant.

Test de Bravely Default II sur Switch
Test de Bravely Default II sur Switch

C'est dans les vieux pots...

On pourrait penser qu'aucun scénariste n'oserait en 2021, à moins de se lancer dans une parodie, commencer l'histoire de son RPG par le réveil d'un héros amnésique. Et pourtant, la plume de Yura Kubota et Tomoyoshi Nagai s'aventure sans hésiter sur ce terrain déjà foulé cent fois pour servir un concentré de clichés qui sentent bon les années 90. La formule fonctionne sans problème grâce à l'efficacité de la narration aux inspirations shônen. Montre en main, il ne faudra que quelques minutes pour réunir Seth, Gloria, Elvis et Adèle, les quatre personnages principaux de Bravely Default II, héros de la lumière choisis par les quatre cristaux pour combattre le mal qui menace les populations à travers le monde entier.

On savait Tomoya Asano fan de la série Final Fantasy, il signe à nouveau un hommage enchanteur aux premiers épisodes de la saga superstar : des héros caractériels, une trame qui s'épaissit à mesure que les heures défilent et un univers médiéval fantastique comme on n'en fait plus. C'est d'ailleurs la force de ce nouveau joyau de la Switch : des personnages visuellement passables (on y reviendra) aux personnalités attachantes, y compris les antagonistes, pour peu que l'on prenne le temps de lire l'intégralité des dialogues facultatifs (ils ont nombreux) et de se lancer dans les quêtes annexes (elles aussi, fourmillantes).

S'il bénéficie d'une base très classique, Bravely Default II s'autorise quelques choix surprenants bienvenus une fois passés les quelques chapitres introductifs. Le rythme ne faiblit jamais, et ce grâce à une abondance de saynètes, de boss et d'Astérisques à dénicher pour découvrir et expérimenter les nombreuses classes disponibles... Avec un peu de patience et de persévérance, on décèle dans cette nouvelle itération un système de combat grandiose, qui invite les joueurs à trouver ses failles, à « casser le jeu », comme on dit, pour dévorer des boss qui semblaient a priori imbattables.

Les personnes jouant aux jeux de notre équipe prennent de l’âge. Il nous est apparu que plutôt que de raconter l’histoire de jeunes garçons et jeunes filles, centrer l'histoire sur des héros d’une vingtaine d’années était plus adapté.

Takahashi Masahi (producteur)
Test de Bravely Default II sur Switch

Astérisques en pagaille

L'année dernière, la première démo jouable de Bravely Default II avait refroidi une partie des joueurs en raison de sa difficulté complètement masochiste, heureusement légèrement corrigée depuis. Soyons clair : si vous n'aimez pas passer plusieurs heures à enchaîner les combats pour optimiser les compétences de votre équipe, cette suite n'est pas faite pour vous. Certains (longs) affrontements de boss seront sans pitié et une bonne maîtrise du système de classes est requise pour progresser sereinement. En collectant des Astérisques au cours de l'histoire, l'équipe débloque progressivement les 24 jobs disponibles, à associer en tant que classe principale ou secondaire pour en cumuler les talents.

Dans le lot, quelques spécialisations amusantes ont été conçues par l'équipe : Pictomancien, Dompteur ou encore Flambeur, à côté de laquelle on peut facilement passer si l'on esquive les activités annexes. Les possibilités sont infinies, et pour la première fois depuis longtemps j'ai pris plaisir à tourner en rond dans des zones infestées de bestioles peu recommandables pour optimiser mon équipe. Je ne peux que vous recommander d'en faire de même, dès le début de l'aventure, pour booster la classe Freelance pour vos quatre héros et profiter d'une compétence redoutable pour la suite de l'aventure... Oui, Bravely Default II est ce genre de jeu à système qui provoque de petites obsessions chez les joueurs les plus exigeants. Autant dire que les 45 heures affichées pour terminer l'aventure en ligne droite ne sont qu'un écran de fumée.

En combat, pas de surprise. Les joutes sont toujours conditionnées par ces tours à crédit qui permettent d'ajuster sa stratégie quand la situation l'exige. Si vous n'avez jamais entendu parler des mécaniques « Brave » et « Default », il s'agit tout bêtement de la possibilité de défendre et stocker jusqu'à 4 tours ou de balancer la purée avec 4 actions d'affilée avec chacun des personnages de l'équipe. Avec le mode de vitesse x4, l'action devient aussi frénétique que jouissive, à condition de redoubler de prudence et d'abuser de la commande « Scan » en début de combat pour analyser les ennemis et en déceler les faiblesses et les résistances.

Un mini-jeu 5/5

Comme Final Fantasy VIII et Final Fantasy IX en leur temps, Bravely Default II cache un surprenant jeu dans le jeu, disponible (mais facultatif) à partir de la fin du Chapitre 1. « Barrage et Domination », c'est son nom, est un hommage au Triple Triad : un jeu de cartes reposant sur le principe de conquête et de deck building. Chaque partie contre un PNJ est l'occasion de gagner ou perdre de nouvelles cartes et de s'essayer à de nouvelles règles spéciales. Une friandise géniale sur laquelle il est facile de passer... plusieurs dizaines d'heures de jeu. C'est si efficace que je ne serais pas étonné qu'une version smartphone indépendante de B&D ne voit le jour dans un avenir proche...

Test de Bravely Default II sur Switch
Test de Bravely Default II sur Switch

Vue d'artiste

La Team Asano a toujours été très attachée à la direction artistique de ses œuvre, et ce dès la production de Final Fantasy: The 4 Heroes of Light, dont le design des personnages avait été assuré par le talentueux Akihiko Yoshida (un grand nom, également crédité pour les merveilleux Final Fantasy Tactics, Vagrant Story, Final Fantasy XII et XIV). Cette fois, ce sont principalement Hajime Onuma et Naoki Ikushima qui ont confié à Bravely Default II cette patte artistique saisissante dans les villages façon diorama, magnifiée dans les menus ornés d'illustrations. Malheureusement, les limitations techniques incontestables de la Switch couplées à l'intention de proposer une modélisation 3D plus chiadée que d'habitude ne font pas bon ménage. Dans l'ensemble, Bravely Default II est visuellement agréable, mais l'expérience est régulièrement gachée par des textures dignes de la 3DS lors des phases d'exploration, un aliasing indigeste sur grand écran et des ralentissements disgracieux dans les vastes environnements ou dans les menus aux animations superbes, mais gourmandes. L'économie de moyens est également visible lors des cinématiques, souvent statiques, et au cours des conversations annexes où seuls des petits avatars s'agitent pour figurer assez pauvrement la scène.

Si les yeux ont à subir quelques agressions, Bravely Default II est un bonheur pour les oreilles. D'abord, on soulignera la petite attention, toujours appréciée, de proposer à la fois les voix anglaises et japonaises, accompagnées d'une traduction française irréprochable (jusque dans le nom des quêtes secondaires). Côté musiques, c'est à nouveau REVO (qui a également signé les génériques de l'anime L'Attaque des Titans) qui se colle à la tâche, inspiré par les décennies de mélodies signées Nobuo Uematsu pour la saga Final Fantasy. On voyage entre des compositions qui évoluent selon la région visitée, des thèmes aux approches acoustiques mélodieuses (« Sailing’s About the Knowhow to Weather Even Storms », « A Dream Yet Unrealized... ») et des musiques carrément rock'n'roll pendant les séquences décisives. Grandiose ! Une nouvelle fois, la tradition défie la modernité avec brio, à grands coups de guitares électriques.

Après l'échec de Bravely Second et la première démo catastrophique de cette suite, je n'attendais rien de Bravely Default II, qui me semblait une fois de plus tirer grossièrement sur les ficelles de la nostalgie pour cacher un véritable manque d'inspiration. Il ne m'a fallu que quelques heures pour changer d'avis et comprendre que l'équipe de Tomoya Asano avait fait preuve de beaucoup d'humilité pour redresser la barre et faire de sa nouvelle aventure un indispensable de la Switch. Bravely Default II est un grand J-RPG à la fois classique et inspiré, généreux, astucieux et mélodieux, entâché par une technique suffocante mais porté par des personnages colorés et touchants. Qu'il aurait été idiot de le laisser prendre la poussière sur l'étagère !

16
Système de classes super excitant
L'histoire classique qui réserve quelques surprises
Le mini-jeu « Barrage et Domination », addictif
Rien à jeter dans l'OST
Chara-design discutable
Textures pauvres, aliasing gênant et saccades fréquentes
Certains « Game Over » sont très humiliants