Chocobo GP

Test

Le 18 mars 2022 à 08:00 par Bastien 0 commentaire
Chocobo GP - Artwork

Square Enix n'a jamais caché sa volonté de profiter de la popularité de sa mascotte, parfois à l'occasion de projets très hétéroclites. C'est ainsi que les chocobos de Final Fantasy ont par exemple exploré à plusieurs reprises de sinistres cavernes dans des Dungeon-RPG exigeants et se sont prêtés à une série de mini-jeux dans l'étonnant Chocobo Tales. Bien que l'idée soit surprenante, ce n'est pas la première fois qu'ils font ronronner les moteurs : le très mauvais Chocobo Racing, sorti en 1999 sur PlayStation, espérait reproduire l'exploit de Mario Kart 64, tandis que sa « suite » annoncée dès l'officialisation de la Nintendo 3DS n'a finalement jamais vu le jour. En mars 2022, alors que Mario Kart 8 Deluxe explose encore tous les records de la console et s'apprête à accueillir 48 nouveaux circuits, Square Enix persiste et signe en publiant Chocobo GP. Un faux départ ? 

Chocobo GP sur Switch
Chocobo GP sur Switch

Le goudron et les plumes

Même si les deux épisodes de Dissidia sur PSP réussissaient plutôt bien cet exercice, la réunion de protagonistes emblématiques de la série Final Fantasy au sein d'un même monde semble difficile à justifier sur le papier sans invoquer la moindre faille spacio-temporelle. Comme les autres jeux de la franchise Chocobo avant lui, Chocobo GP s'affranchit de toute logique en jouant illico la carte de la parodie, qui brise régulièrement le quatrième mur comme pour chuchotter au joueur que tout cela n'est qu'un vague prétexte à l'amusement. Ainsi, le mode Histoire, étape obligatoire pour s'initier aux rouages de la conduite et débloquer l'ensemble des circuits et personnages, convoque aussi bien des invocations, des héros et des antagonistes de la série avec pour seul leitmotiv l'envie d'en découdre sur la piste. Si la « mise en scène », le comique de répétition et les gags restent très enfantins au cours de ces 2 heures d'aventure forcée, il faut une bonne connaissance des histoires des épisodes canoniques évoqués pour apprécier toutes les références à la saga disséminées dans les petites saynètes. Que les ayatollah du lore Final Fantasy prévoient un peu de Ventoline : Gilgamesh y est régulièrement tourné en ridicule tandis qu'Ifrit se demande si son stock de RTT est suffisant pour poser un jour pour la finale du championnat.

On dénombre plus de 20 personnages à débloquer via le mode Histoire mais seulement 9 mondes, eux-même découpés en plusieurs tracés (allant de de deux à quatre par monde). On aurait apprécié un peu plus de matière, d'autant que certains environnements comme Alexandrie (Final Fantasy IX), Zozo (Final Fantasy VI) ou le Gold Saucer (Final Fantasy VII) se montrent particulièrement resplendissants visuellement et fidèles aux œuvres d'origine, tout comme leurs thèmes musicaux qui offrent de sympathiques et subtiles reprises vitaminées. Plus subtiles que le thème principal des menus, tentative de chanson J-Pop (mais interprétée en Anglais) qui tourne en boucle jusqu'à en devenir inaudible. Le manque de générosité et de subtilité semblent de toute évidence être les maîtres mots de ce Chocobo GP qui, au-delà d'un emballage convainquant, mène assez rapidement le joueur à une impasse particulièrement problématique.

Chocobo GP sur Switch
Chocobo GP sur Switch

Kart bancaire

La comparaison avec l'indétrônable Mario Kart 8 Deluxe est inévitable tant Chocobo GP en reprend l'essence, du boost de démarrage aux dérapages en passant par objets offensifs ou d'assistance, ici remplacés par des Magilithes aux effets assez variés et même renforcés quand ils sont stockés et cumulés. Une vraie bonne idée qui laisse place à un peu de stratégie dans le feu de l'action. Si certains sont très classiques (des sorts élémentaires qui s'inspirent des magies de la série), d'autres manquent d'ajustement et se révèlent même handicapants à l'image des portails de téléportation qui, utilisés au mauvais moment, peuvent déplacer le véhicule... en plein virage ou face à un obstacle. Sur les plus petits tracés où le tour n'excède pas 25 secondes, ou sur les pistes techniques déjà punitives comme le Gold Saucer (qui s'inspire de la Route Arc-en-Ciel), le déferlement de sorts est tel que la situation en devient confuse : la course ne récompense alors pas vraiment le plus rapide des coureurs mais celui qui aura été le plus chanceux, ce qui peut s'avérer frustrant. Malgré un manque d'équilibrage évident, Chocobo GP est donc assez fun, surtout dans la classe « Maître » ou la vitesse des véhicules est accrue.

Avec ses modes Histoire, Contre la montre, Courses de série et Courses personnalisées qui se bouclent assez vite en solo, Chocobo GP incite logiquement à se tourner vers le mode multijoueur (seulement 2 joueurs sur la même console) et le mode en ligne — qui nécessite lui-même un accès au Nintendo Switch Online (12,99€ par an). Celui-ci permet d'abord de participer à des championnats très disputés entre 64 joueurs, jusqu'à la manche finale opposant les 8 meilleurs d'entre-eux. Il met surtout en lumière le plus gros point noir du jeu : ses mécaniques tout droit héritées des free to play dans un jeu complet pourtant facturé 50 euros. C'est en effet en enchaînant des dizaines de courses en ligne qu'il vous sera véritablement possible d'accéder aux récompenses les plus prestigieuses à échanger dans la boutique contre l'une des trois monnaies existantes. Dans cette « saison 1 » dont la durée est limitée, Cloud et Squall sont à l'honneur mais seulement disponibles après avoir grimpé 60 niveaux et déboursé 3000 Gils, ce qui n'est humainement réalisable qu'après un temps d'écran colossal, pratique dont les pires jeux mobiles ont habituellement l'exclusivité. Personne n'ayant une telle patience, les collectionneurs devront donc nécessairement se tourner vers l'achat de mythril sur le Nintendo eShop en cédant aux sirènes du fanservice. Des méthodes inacceptables qui rendent l'expérience de Chocobo GP inaccessible aux portefeuilles les plus modestes.

En dépit d'un mode Histoire très vite bouclé, Chocobo GP disposait de sérieux arguments pour proposer une alternative crédible à Mario Kart 8 Deluxe dont il singe la plupart des bonnes idées avec brio. L'emballage est réussi et suffisamment chaleureux pour attirer les fans de Final Fantasy comme les jeunes joueurs en quête d'une expérience fun et familiale. Pourtant, ces bonnes intentions sont ruinées par un manque cruel de circuits, des maladresses de gameplay et cette volonté de faire de Chocobo GP un jeu en kit ruiné par les micro-transactions incontournables pour accéder à tous les personnages mis en avant au fil des saisons. Un modèle économique déplorable hérité des jeux free to play pour un jeu qui, contrairement à ce que la version Lite laisse à penser, coûte bel et bien 50€.

11
Réalisation soignée et courses fluides
Des modes de jeux variés et un mode en ligne surprenant
L'habillage Final Fantasy convainquant
Modèle économique inacceptable
Un manque de circuits face à la généreuse concurrence
Action confuse quand les objets s'enchaînent
Un look « Pat' Patrouille » bizarre en mode Histoire