Final Fantasy VII Rebirth

Test

Le 15 mai 2024 à 19:50 par Sacha 0 commentaire
Final Fantasy VII Rebirth — Cloud face à Séphiroth

Réaliser une suite directe à un jeu est un exercice très particulier, d’autant plus lorsqu’il s’agit de la série Final Fantasy. C’est aussi une opportunité pleine de potentiel : la possibilité pour une équipe créative d’itérer sur ses acquis, d’essayer de nouvelles choses et de prendre en compte les leçons tirées du premier épisode. Avec Final Fantasy VII Rebirth, c’est aussi le moment pour l’équipe de Yoshinori Kitase de répondre à une grande question : à quoi ressemblerait leur monde au-delà de Midgar en 2024, avec des moyens extraordinaires et des machines d'une puissance bien supérieure à celle de la première PlayStation ? La réponse, nous la connaissons désormais après 125 heures passées dans ce second volet d'une trilogie pleine de promesses.

Final Fantasy VII Rebirth — Plongée dans le réacteur Mako
Final Fantasy VII Rebirth — Cloud Strife

Into the wild

Depuis maintenant plus de 15 ans, Final Fantasy tente ostensiblement de satisfaire les goûts des joueurs occidentaux. Pour cette nouvelle aventure loin de Midgar, il n'est donc pas surprenant de voir l’équipe s’appuyer sur une construction assez classique de grandes zones semi-ouvertes aux écosystèmes bien tranchés, à base de tours à activer pour débloquer les activités de chaque environnement. Si cela tend à rendre l’exploration plus mécanique qu’organique, la direction artistique totalement maîtrisée et la richesse du monde confèrent une identité unique au jeu, marquée par un sentiment enivrant de grande aventure. Les nouvelles interprétations de Kalm et de Sous-Junon, par exemple, témoignent du souci du détail et de la volonté de l’équipe de sublimer l’envergure du jeu original. Ces endroits devenus cultes ne sont pas tels que nous les avions imaginés, ils sont plus grandioses encore. L'équipe s’est aussi efforcée de créer des activités pour la plupart vraiment intéressantes et amusantes, toujours au service de l’expérience globale. D’une part, elles sont un vecteur pour développer le lore des différentes grandes régions du monde, et d’autre part, elles proposent des challenges qui permettent d’explorer toute la profondeur du système de combat.

Ce système repose évidemment sur toutes les bases établies par Remake, mais se trouve porté à un autre niveau par des nouveautés mûrement réfléchies qui améliorent grandement la gestion du groupe et la coopération entre les personnages. Il s’est notamment vu étoffé de l’ajout de compétences et de capacités de synergie, qui sont essentiellement des commandes faisant intervenir deux personnages à la fois, et qui démontrent la maturité des développeurs à ce sujet. Tout d’abord d’un point de vue des mécaniques elles-mêmes, car ces ajouts s’intègrent parfaitement dans l’optimisation des différents aspects du combat, qu’il s’agisse des barres ATB, du Choc, de la défense ou des Limites. Mais c’est aussi une nouveauté qui met en avant l’alchimie narrative entre les personnages et qui leur permet d’exprimer différentes facettes de leur personnalité via des animations spectaculaires — que l'on prend plaisir à immortaliser via le mode photo — avec une bonne dose de légèreté pour certaines. Il en résulte donc un système de combat encore plus grisant, nerveux et qui se renouvelle constamment avec un bestiaire soigneusement conçu pour en exploiter sa richesse.

Final Fantasy VII Rebirth — Carte d'une zone
Final Fantasy VII Rebirth — Missions secondaires terminées

L'expérience acquise avec le monde ouvert de Final Fantasy XV nous a beaucoup servi, mais ce n'est pas tout : je suis très admiratif de The Witcher et Horizon dont nous prenons exemple.

Naoki Hamaguchi (réalisateur)

La croisière s'amuse

Un autre des plus grands succès de Final Fantasy VII Rebirth, c’est la compréhension totale par les développeurs de l’héritage important du jeu, qu’ils sont capables de transposer dans des mécaniques mémorables. Le mini-jeu du piano en est l’illustration parfaite. Il invite le joueur à faire l’expérience de musiques iconiques d’une manière fraîche et surtout tangible, particulièrement pour ceux d’entre nous qui ne savent pas jouer d’un instrument, surpassant ainsi des expériences comme celles proposées par la saga Theatrhythm. L’emballage narratif, qui chante les louanges du pouvoir de la musique, montre aussi cette compréhension et ce respect de l’équipe de développement. Partition après partition, les efforts du joueur sont couronnés par une récompense finale particulièrement touchante pour ceux qui ont suivi la saga Final Fantasy VII à travers les années. Rebirth offre une abondance de mini-jeux qui illustre constamment la générosité des développeurs, mais parfois jusqu’à l’excès. Si certains comme le jeu de cartes Queen’s Blood sont extrêmement réussis, d’autres sont vraiment superflus et ne tiennent pas la comparaison face aux meilleurs.

Malheureusement, cette abondance de mini-jeux plombe aussi le rythme d’un ou deux chapitres, créant même une sorte de dissonance ludonarrative. Pourquoi Cloud et son groupe perdent leur temps avec des jeux de foire futiles à Costa del Sol quand ils viennent tout juste d’affronter Jénova et sont sur le point de confronter à nouveau Hojo ? C’est assez amusant de voir l’équipe de Final Fantasy XIII faire à des moments comme celui-ci une antithèse exacte de leur précédent jeu (pour, malgré eux, lui donner raison des années plus tard). Cela dit, le ton global de Final Fantasy VII Rebirth reste terriblement maîtrisé, sachant trouver les opportunités pour ne pas se prendre trop au sérieux, aussi bien dans le contexte de l’histoire que dans des mécaniques de combat. Et quand il s’agit des moments les plus chargés en émotion, là encore les développeurs parviennent à trouver l’équilibre parfait, à l’image de certaines épreuves lors desquelles les personnages doivent surmonter des traumatismes passés. Les sentiments véhiculés sont tellement sincères qu’il est impossible d’y être indifférent.

Final Fantasy VII Rebirth — Combat de Cloud
Final Fantasy VII Rebirth — Combat de Cloud et Red XIII

En bande organisée

Là où l'on ne boude pas notre plaisir, et ce grâce à la générosité débordante de l'équipe, c’est la musique. L’importance et la valeur que Square Enix a accordé à cet aspect du jeu en est presque étourdissant. Dans le contexte où se trouve l’industrie AAA aujourd’hui, avec des coûts de développement de plus en plus élevés, cela semble presque relever du miracle. Comme dans Remake, de nombreux compositeurs et arrangeurs ont participé à la bande-son, pour un résultat absolument triomphant. Cette stratégie collégiale est doublement payante : l’ensemble est réalisé avec un niveau de qualité sans égal dans le jeu vidéo, et la bande-son se renouvelle constamment en touchant à un éventail d’ambiances et de genres incroyable. À nouveau ici, le respect pour l’héritage du jeu original est palpable, sans aucunement brider la créativité et l’inventivité des artistes qui se sont tous illustrés à leur manière. Pour n’en citer que quelques exemples, on pense à l’essence même de « On Our Way » transcendée par Shotaro Shima, la puissance et la révérence qu’inspirent les Espers matérialisées par Reo Uratani, le sentiment d’aventure enivrant cristallisé par le thème du Mt Corel de Mitsuto Suzuki, ou encore l’intensité d’un affrontement dantesque contre Jénova décuplé par Yoshiniri Nishiki.

Avec la fin surprise de Remake, les développeurs avaient commencé à dessiner le cadre dans lequel ils allaient faire évoluer l’histoire, recalibrant au passage d’avance les attentes par rapport à Rebirth. Parallèment, il doit faire face aux problématiques inhérentes à sa position en milieu de trilogie : les bases sont posées, mais rien ne peut vraiment se résoudre dans cet épisode. Dans ce contexte, cet esprit de grande aventure que l’on évoquait plus tôt remplit alors parfaitement son office et ce sont dans les relations entre les personnages que l’on trouve tout l’intérêt de l’intrigue. La plupart sont particulièrement réussies, comme l’ambivalence palpable entre Cloud et Tifa, ou encore un Cait Sith totalement sublimé, qui fait briller lui-même le groupe. Mais d’autres sont décevantes, notamment l’amitié entre Tifa et Aerith où leurs discussions intimes sont cantonnées à des sujets de cour d’école, ou l’arrivée anecdotique de Cid qui paraît forcée et se fait au détriment de ce personnage pourtant si intéressant. Pour ce qui est de la relecture de l’histoire du jeu et de certains rebondissements iconiques, l’ensemble est franchement plus digeste et appréciable que ce qu’on aurait pu craindre, avec même des détails subtils et lourds de sens. Le meilleur moyen d’apprécier le scénario et son développement est tout simplement de se laisser porter par l’aventure sans se laisser influencer par les interprétations qui se multiplient ces dernières semaines sur les réseaux sociaux. Il faudra malheureusement patienter un moment avant d'en connaître les tenants et aboutissants à la faveur d'un troisième épisode. Pour une conclusion en apothéose ?

Final Fantasy VII Rebirth — Cloud face à Séphiroth
Final Fantasy VII Rebirth — Yuffie

Générosité, passion, respect, inventivité... Voilà qui pourrait résumer Final Fantasy VII Rebirth en quelques mots. L’équipe de Yoshinori Kitase signe tout simplement le Final Fantasy le plus accompli depuis l’ère PlayStation 1. Ce qu’elle a réalisé ici est un véritable tour de force qui, de nos jours, ne peut se produire qu’avec une suite : et même dans ces conditions, atteindre un tel niveau de qualité est extrêmement complexe. S’ils y sont parvenus, c’est véritablement parce qu’ils ont atteint en tant qu’équipe un niveau d’alchimie et de savoir-faire extraordinaires. Final Fantasy VII Rebirth est par essence même une expérience presque surréaliste avec la quantité de nostalgie qu’il évoque, mais tout est accompli avec maîtrise et sincérité. Les jeux qui ont le cœur sur la main sont rares, et l’équipe de Final Fantasy VII Rebirth mérite tous les moyens possibles pour clore cette trilogie à la hauteur de leur ambition et de leur créativité.

19
Un jeu d'une générosité rare
Système de combat proche de la perfection
Musiques et direction artistique somptueuses
L'exploration parfaitement récompensée
Des mini-jeux superflus pour gonfler la durée de vie
Certains développements de personnages moins réussis

Jeu testé à partir d'une version PS5 commerciale (Sacha) et fournie par Square Enix (Bastien).

L'avis de Bastien

J'attendais avec autant d'impatience que d'inquiétude Final Fantasy VII Rebirth, que Square Enix présentait depuis son annonce comme un second volet plus grand et plus libre, à l'image de ce que nous proposait Final Fantasy VII après la fuite de Midgar. Et si Rebirth était trop généreux, au point de nous donner le tournis ? Malgré la présence de nombreuses activités annexes dans les zones ouvertes qui empruntent beaucoup aux open worlds de ces dernières années, j'ai pris un immense plaisir à accomplir les quêtes d'exploration et de combats qui m'étaient assignées par le (trop) bavard Chadley et son assistante MAI. Ces objectifs offrent de belles respirations à l'aventure et permettent d'obtenir des récompenses utiles pour renfoncer son équipe, par exemple avec des matérias rares. Cela se fait au détriment de la narration qui se voit un peu hachée par ces missions secondaires, bien qu'il soit vivement conseillé d'en garder sous le coude pour plus tard afin de ne pas perdre le fil ou faire une overdose de chasse aux monstres. Les mini-jeux, très nombreux et souvent déjantés, apportent un contraste rafraîchissant et temporisent parfaitement les moments les plus sombres dont le scénario de Final Fantasy VII a le secret. Si elles étaient déjà délicieusement grotesques en 1997, certaines séquences devenues beaucoup plus réalistes en 2024 font écho à une autre série fantasque : Like a Dragon (Yakuza).

Le système de combat reprend les bases très solides de Remake avec quelques subtilités appréciables (les synergies évoquées plus haut dans l'article) mais aussi et surtout de nouveaux personnages à prendre en main. Yuffie, déjà aperçue dans le DLC INTERmission, et Red XIII, figurent parmi les personnages les plus agréables au combat tant certaines de leurs attaques se révèlent dévastatrices. Ces séquences spectaculaires soulignent la qualité graphique exceptionnelle de Rebirth, qui s'accompagne d'une bande-son démentielle proposant un équilibre parfait entre l'hommage sincère et la réappropriation plus contemporaine. Toutes ces qualités font de Final Fantasy VII Rebirth un jeu colossal, épique, somptueux, drôle et passionné, sans aucun doute le plus riche et le plus réussi de sa catégorie depuis... Remake ?