NieR Replicant ver.1.22474487139...

Test

Le 23 avril 2021 à 21:45 par Bastien 0 commentaire

L'arrogant succès de NieR: Automata aurait-il encouragé Square Enix à disséminer les idées tordues de son créateur Yokô Tarô ? Férocement boudé par le public occidental à sa sortie en 2010, NieR premier du nom a trop rapidement rejoint le panthéon des jeux cultes pourtant présents sur aucune étagère. Il faut dire que ce projet (dont la première bande-annonce diffusée à l'E3 2009 laissait déjà entrevoir une aventure austère) s'adressait à une catégorie de joueuses et de joueurs initiés, patients et prêts à faire des concessions aussi bien sur le game design que sur la technique pure. Nous sommes en avril 2021, 11 années ont passé et NieR Replicant fait son retour dans une version rafraîchie, parsemée de petites nouveautés confortables et d'une nouvelle fin ; truffée de rustines et d'artifices hérités de l'époque. Comme une nouvelle page écrite dans un vieux grimoire laissé au grenier il y a plus d'une décennie. Alors, on ouvre ?

Nier Replicant
Nier Replicant

10 ans plus tôt...

NieR Replicant étant une version améliorée, revue et corrigée du même jeu sorti en 2010, je vous invite chaudement à relire notre Test publié sur le site à la sortie de NieR. Dans cette critique élogieuse du titre de Yokô Tarô, Sacha revenait longuement sur l'ambiance unique et le game design atypique de l'œuvre, qui sont parfaitement restitués dans cette nouvelle version.

Autant en emporte le sang

Difficile de parler de NieR Replicant ver.1.22474487139 sans revenir sur les raisons qui en font un jeu un poil différent de celui que nous avons connu en 2010. En quelques mots : Square Enix était à l'époque convaincu qu'une aventure comme NieR pouvait dérouter le public occidental, à tel point que le jeu fut distribué en deux versions distinctes, aux héros différents : NieR Gestalt et NieR Replicant. C'est donc la première fois que l'Occident bénéficie de Replicant, interprétation jusqu'alors restée exclusive aux PS3 japonaises, où le héros n'est plus un père bodybuildé tentant de sauver sa fille mais un jeune éphèbe au design beaucoup plus « japonais ». Si cela occasionne quelques changements de dialogues, le contenu du jeu reste en tous points identique. On retrouve donc cet univers si singulier — qui, pour l'anecdote, est intimement lié à l'une des fins secrètes de Drakengard — un monde médiéval-futuriste plongé dans un profond chaos provoqué par l'apparition des Ombres, obligeant les rares humains encore en vie à vivre dans la terreur.

Depuis son petit village aux collines verdoyantes, Nier cherche désespérément un remède pour soigner sa petite sœur victime de nécrose runique, une maladie qui la plonge dans un état critique. Rapidement rejoint par Grimoire Weiss, Kainé et un autre jeune homme qu'il convient de ne pas dévoiler, il parcourra la région, guidé par la gardienne du village, Popola, afin de décrypter les mystères qui entourent les Ombres et, par tous les moyens, sauver sa protégée. Derrière ce scénario d'apparence naïf et convenu se cache une épopée très mature. Les litres d'hémoglobine, le rapport à la mort sans cesse questionné, le(s) dénouement(s) imprévisible(s) : Yokô Tarô signait avec NieR un nouveau jeu d'auteur verbeux, perché, compact, d'une sincérité déroutante. Fidèle à ses habitudes, il brouille les pistes en faisant comprendre, après 18 heures qui permettent de signer un premier run, que la véritable conclusion se situe bien après le générique de fin. Et si les fins B, C et D demandaient déjà à l'époque beaucoup d'abnégation (et une soluce, soyons honnêtes), le nouvel épilogue que seuls les plus téméraires pourront découvrir est un vrai cadeau fait aux fans. Mais en disant cela, n'en ai-je déjà pas trop dit ?

NieR Replicant
NieR Replicant

Enivrante monotonie

Celles et ceux qui l'ont parcouru en 2010 le savent : NieR est un jeu qui se mérite. Loin du grand spectacle proposé par Final Fantasy XIII sorti un mois plus tôt en Occident, il repose plutôt sur l'économie de moyens et les petits cache-misères tant dans sa construction que dans ses ambitions techniques. Cette version améliorée chapeautée par le studio japonais Toylogic est incontestablement plus propre. La distance d'affichage est enfin raisonnable, le framerate moins asthmatique, les textures un peu plus soignées et les sorts magiques plus classieux. Et surtout, le character design totalement retravaillé permet de renforcer les liens avec NieR: Automata, si bien qu'on croirait presque contrôler 9S et 2B dont les tenues sont d'ailleurs disponibles en guise d'appât. Aujourd'hui encore, NieR Replicant reste un jeu modeste, pour ne pas dire anachronique, qui est sauvé par sa direction artistique plus que par cette remasterisation graphique encore entachée par de longs et nombreux temps de chargement, un aliasing disgracieux et des murs invisibles comme on n'en fait plus. Si vous attendiez un véritable remake ou si vous souhaitiez retrouver la majesté d'Automata, vous voilà donc prévenu.

On goûte à l'âpreté de NieR Replicant dès les 10 premières heures de l'aventure qui dépeignent assez clairement de quoi seront faites les 20 suivantes : une succession d'allers et retours dans la poignée de zones étriquées qui composent cette région. On a beau apprécier les énigmes amusantes du Temple Oublié, l'ambiance maritime estivale de la ville de Littoral et les inspirations horrifiques du Manoir, parcourir trois, quatre, puis cinq fois les mêmes environnements pour achever la quête principale n'est pas donné à tous. Même Weiss, votre compagnon de route, signalera à plusieurs reprises que ces quêtes annexes sont ridicules et que ces randonnées sont interminables. La déconcertante facilité avec laquelle on terrasse les derniers boss le confirme : le véritable challenge réside dans votre capacité à faire face à cette routine. Beaucoup ont abandonné en 2010. Beaucoup abandonneront en 2021. Mais il serait dommage de passer à côté des nombreuses bonnes idées et des réjouissances incluses dans cet OVNI.

Nier Replicant

Bullets time

Excentrique et excessif, Yokô Tarô n'a jamais caché son amour inconditionnel pour Ikaruga (l'un des grands classiques du studio Treasure) comme en attestait déjà Drakengard en 2003 à la faveur d'un dernier boss nécessitant beaucoup de coordination. Ce n'est pas un hasard si l'on retrouve dans l'essence même du gameplay de NieR Replicant un hommage à peine dissimulé au genre shoot'em up, qui fusionne parfaitement avec les mécaniques habituelles des beat'em all et la progression d'un RPG. La plupart des combats de boss et des donjons reposent sur l'esquive de centaines de boules roses à l'image des manic shooters les plus terribles. L'un des gigantesques boss additionnels, qui conclut un segment d'une heure jusqu'alors uniquement décrit dans l'artbook officiel, donne d'ailleurs lieu à de superbes images. Cette overdose de petites billes qui remplissent copieusement l'écran est aussi bizarre qu'hypnotisante. Le mélange des genres ne s'arrête pas là et bien souvent, NieR brouille les pistes, tantôt en flirtant avec l'aventure textuelle, tantôt en faisant pivoter la caméra pour bouleverser les habitudes du joueur et renouveler son gameplay.

Si PlatinumGames n'est plus aux commandes, Toylogic s'est librement inspiré du travail accompli sur NieR: Automata pour rafraîchir les combats de son grand frère. On gagne en dynamisme, en précision et en rapidité grâce à l'accélération promise après une esquive ou quelques secondes de course. À vous de composer votre arsenal en jetant votre dévolu sur les équipements qui vous correspondent le plus : épées légères et rapides, haches lourdes et puissantes... Les combos proposés ne sont pas très variés mais le système d'amélioration des armes, basé sur la récolte de mots à associer, permet de jouer avec les statistiques et pousse à découvrir toute l'artillerie. C'est de toute façon nécessaire si vous souhaitez atteindre les 100%. La modernisation n'a pas non plus épargné la bande originale monumentale signée Keiichi Okabe, qui a supervisé les nouveaux arrangements. Il est bien difficile de trouver les qualificatifs adéquats tant chaque musique, chaque chœur, chaque instrument entendu dans NieR Replicant ver.1.22474487139... contribue à entretenir son ambiance unique. Un chef-d'œuvre, tout simplement.

Enfin à la portée de tous, NieR Replicant ver.1.22474487139... se dote d'une réalisation technique plus séduisante, certes, mais reste en tous points identique à l'aventure de 2010. Les mêmes quêtes annexes, les mêmes murs invisibles, les mêmes couloirs dépouillés que l'on ne cesse de parcourir en long, en large et en travers. Avec un peu de patience, de persévérance, et en acceptant les concessions faites par l'équipe de Yokô Tarô dont les budgets n'ont rien d'une superproduction, on découvre un RPG d'action anticonformiste empruntant autant à l'ambiance de Shadow of the Colossus qu'à la frénésie des meilleurs danmaku. Si la remise au goût du jour est loin d'être spectaculaire, l'univers apocalyptique unique et l'attention portée sur les surprises que réserve chaque partie New Game+ font de NieR Replicant un titre violent et poétique, ambitieux mais bricolé, incontournable mais difficile d'accès.

16
Des héros mémorables
Combats bien plus dynamiques
Bande originale monstrueuse
Un vrai jeu d'auteur, touchant et innovant
Structure et game design d'un autre temps
Graphismes encore timides
Quêtes annexes indigestes
Peu de surprises si vous avez fait NieR