Conférence et interview : Hironobu Sakaguchi à MAGIC Monaco 2023

Le 27 février 2023 à 20:25 par Bastien 0 commentaire
Hironobu Sakaguchi - MAGIC MONACO 2023

S'il ne collabore plus avec Square Enix depuis longtemps, Hironobu Sakaguchi, le créateur de la saga Final Fantasy désormais à la tête du studio Mistwalker, aime se remémorer les années passées à concevoir l'une des plus grandes séries du RPG japonais. C'est dans ce cadre que le célèbre moustachu a tenu ce week-end une conférence de 90 minutes en public au MAGIC de Monaco. Ce n'est pas tout : Hironobu Sakaguchi s'est également prêté au jeu des interviews, et vous retrouverez en deuxième partie de cet article son échange exclusif avec notre envoyé spécial d'un week-end. À quelques heures des 20 ans de Final Fantasy Ring, avouez que c'est un joli programme !

Conférence : Hironobu Sakaguchi raconte Final Fantasy

Cette conférence s'est tenue le samedi 25 février 2023 devant le public du MAGIC Monaco. Animée par le journaliste d'IGN Japan Esra Krabbe, elle consistait en une séance de questions agrémentées de photos d'archives permettant d'évoquer la carrière complète d'Hironobu Sakaguchi. En voici une transcription complète.
 

Bonjour. Tout d’abord, et même si nous vous connaissons tous, pourriez-vous vous présenter ?

Hironobu Sakaguchi : (En Français) « Je m’appelle Hironobu Sakaguchi, bonjour ! »

Nous avons peut-être 90 minutes ensemble mais il y a énormément de choses à évoquer Nous allons parler de toute votre carrière, nous allons même remonter encore plus loin. Nous aimerions savoir quel type d’enfant étiez-vous ?

Hironobu Sakaguchi : Sur la photo derrière-moi, vous voyez mon père en train de me couper les cheveux, alors je ne voulais pas. Au Japon, cette coupe de cheveux rappelle un yôkai aquatique qui s’appelle « Kappa » et qui ressemble à une tortue. Mon surnom, petit, était « Kappa ». Ce n’est pas cool. Mais j’ai fini par m’y attacher et pour la petite anecdote, c’est de là que vient le nom « Kappa » dans Final Fantasy.

Qu’est-ce que vous aimiez faire quand vous étiez enfant ?

Hironobu Sakaguchi : J’aimais les mangas évidemment ! Comme beaucoup d’enfants japonais j’aimais aussi les insectes, notamment les cigales. Et j’aimais aussi les expériences de chimie, comme celles avec de l’hydroxyde de sodium qui devient un peu pâteux quand on le frotte entre les doigts. Je trouvais ça amusant.

On peut peut-être rapprocher cet intérêt pour la chimie au côté créatif, à quel moment avez-vous eu cette fibre ?

Hironobu Sakaguchi : Je dirais qu’elle est apparue vers l'âge de 13 ou 14 ans. J’avais commencé à apprendre le piano à 5 ans, et à 14 ans je jouais de l’orgue électronique. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à comprendre la manière de composer de la musique. J’avais trouvé ça plutôt facile, et je dirais que c’est un élément déclencheur.

Quand on parle de musique, on pense surtout à jouer dans un groupe, faire de la scène… Est-ce que vous étiez plus orienté composition, création ?

Hironobu Sakaguchi : Non, comme tout le monde je voulais impressionner les filles. (Rires) Mais je voulais aussi jouer dans un groupe et faire des concerts.

Vous avez même voulu être musicien à une époque, puis à un moment donné vous avez abandonné cette idée pour vous orienter vers la création de jeux vidéo. Quel a été le déclic de ce changement de situation ?

Hironobu Sakaguchi : La transition s’est faite quand j’avais environ 20 ans, plus exactement en 3e année universitaire. Au fur et à mesure je me suis rendu compte que je n’avais pas de talent particulier pour la musique. Au même moment j’avais un très bon ami à l’université, Hiromichi Tanaka, qui a aussi travaillé sur Final Fantasy avec moi par la suite. Il avait chez lui un ordinateur qu’il bidouillait, un Apple II. Grâce à lui, j’ai découvert cet univers. Ça a été un choc culturel pour moi.

À l’époque un Apple II coûtait 8000 dollars, c’était donc inaccessible pour un étudiant. Mon ami Hiromichi Tanaka avait, en réalité, un faux qui lui avait coûté 200 dollars. Nous nous étions rendus dans le quartier d’Akihabara à Tokyo, qui était à l’époque un peu plus fouilli qu’aujourd’hui, et il avait acheté des composants pour fabriquer son propre ordinateur. J’en ai fait de même, et quand j’y repense cela m’a appris la conception, la structure.

Monter soi-même un ordinateur n’est pas anodin. Qu’est-ce qui vous a motivé à poursuivre dans ce domaine ?

Hironobu Sakaguchi : À l’époque il y avait déjà beaucoup de jeux sur les ordinateurs Apple II, notamment des jeux de tir. J’avais envie de jouer, mais ce qui m’a le plus impressionné, c’est de voir mon ami Hiromichi Tanaka programmer lui-même des mouvements. Il avait notamment intégralement créé un dessin avec son ordinateur, et le fait de voir qu’il était possible de réaliser des choses par soi-même m’a vraiment fasciné.

Hironobu Sakaguchi et Hiromichi Tanaka
L'équipe de Square en 1986
Hironobu Sakaguchi, Hiromichi Tanaka et l'équipe de Square.

Vous avez vous aussi appris à créer des jeux, votre premier était un jeu d’aventure. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Hironobu Sakaguchi : Je m’étais inspiré de Transylvania, un jeu d’aventure de Penguin Software sorti en 1982. J’avais également beaucoup regardé James Bond et je souhaitais faire un jeu d’espionnage. Finalement, mon premier jeu The Death Trap est sorti dans un package de 3 parties vendu 9800 yens. Un peu plus tôt, je jouais beaucoup à Wizardry sur Apple II et j’aimais beaucoup tricher donc j’avais hacké le jeu en apprenant le code et en recréant des parties avec des personnages plus forts. En faisant ça, j’ai compris comment créer des personnages et comment conceptualiser un jeu. Je me suis dit : « quitte à me passionner pour le développement de jeux, autant trouver un petit boulot dans le jeu vidéo ».

À l’époque, Square était une toute petite société de 5 personnes. Avant même The Death Trap, il y avait déjà un projet en cours chez Square : il s’agissait de l’adaptation d’un jeu télévisé japonais populaire qui consistait à fabriquer des avions et de les faire voler sur la mer le plus loin possible. L’équipe s’était dit que cela ferait un bon jeu vidéo, sauf qu’elle n’a pas pu obtenir les droits de l’émission. Le projet n’a donc pas pu se faire. Le premier jeu de Square a donc été le mien, The Death Trap.

La création et la sortie de Final Fantasy a été un bouleversement pour vous ainsi que pour Square. Il est de notoriété publique que le nom « Final Fantasy » porte l’espoir ultime de la société. Pouvez-vous nous raconter cette période-là ?

Hironobu Sakaguchi : À cette époque, Square développait des jeux pour Famicom mais ils ne rencontraient pas vraiment de succès, la société était donc dans une situation financière difficile. Il a été décidé de créer 4 équipes de développement. Chaque chef d’équipe devait ensuite présenter un projet afin que les autres membres puissent rejoindre le projet auquel ils croyaient le plus. Mon équipe était la A-Team, et mon ambition était de créer un RPG qui dépasse Dragon Quest. Tout le monde m’a répondu que c’était impossible, j’ai été tellement peu convaincant que nous nous sommes retrouvés à travailler à seulement 3 ou 4 sur ce projet. Il y avait déjà Nasir Gebelli (programmeur) avec moi ainsi que Kazuko Shibuya (artiste), mais nous étions en petit comité pour développer le premier Final Fantasy. D’ailleurs à l’époque, nous développions les jeux dans un ancien salon de coiffure.

Cette histoire remonte aux années 80, en pleine période de bulle économique au Japon. Quel était l’état d’esprit des japonais à l’époque par rapport à aujourd’hui ?

Hironobu Sakaguchi : L’époque était assez différente de maintenant, notamment en matière de masse de travail. Aujourd’hui nous faisons attention à ne pas faire trop d’heures supplémentaires, ce n’était pas vraiment le cas dans les années 80. Le milieu des jeux vidéo était à part car il venait de naître. En tant que première génération de développeurs, nous n’avons pas de senpai, de modèles, et on faisait un peu ce que l’on voulait.

Votre rencontre avec Nobuo Uematsu est déterminante par rapport à Final Fantasy. Pouvez-vous nous en parler ?

Hironobu Sakaguchi : Alors que je développais des jeux sur PC, j’ai eu besoin d’un compositeur et j’ai parlé à une collègue qui m’avait dit plus tôt qu’elle connaissait un ami proche qui souhaitait travailler dans la musique. Elle m’a donc présenté Monsieur Uematsu. Dans un premier temps je lui commandais un morceau de temps en temps. Un jour, je m'apprêtais à déjeuner et je suis tombé sur lui par hasard, je lui ai carrément demandé de rejoindre notre équipe comme employé.

A-t-il répondu tout de suite ?

Hironobu Sakaguchi : (Rires) Je ne me souviens pas trop, je crois que ce n’était pas un OK à 100%, mais il a dû dire qu’il allait y réfléchir.

Artwork de Chrono Trigger par Akira Toriyama
Chrono Trigger réunit une dream team d'exception, avec ici une illustration d'Akira Toriyama.

Vouloir créer un jeu qui dépasse Dragon Quest, c’était quand même très ambitieux pour l’époque. Quand Final Fantasy est sorti et qu’il a rencontré un énorme succès, est-ce que vous vous êtes dit « j’en étais sûr ! » ou avez-vous été surpris ?

Hironobu Sakaguchi : Tout à l’heure je vous disais qu’on avait débuté le développement à 4 personnes, ce qui était trop peu pour développer un jeu. Nous avons vite recruté des renforts à l’extérieur, c’est comme ça qu’Akitoshi Kawazu et Koichi Ishii (designers) nous ont rejoints. Plus une équipe compte de gens talentueux, plus le résultat s’améliore : Final Fantasy a atteint un niveau qui dépassait mes attentes. Quand le développement du jeu était enfin terminé, j’étais extrêmement satisfait, au point que quand mes supérieurs ont indiqué vouloir en produire 200.000 exemplaires, j’ai demandé d’en sortir au moins 400.000 car Dragon Quest se vendait à l’époque à plus d’un million de copies.

Cette même équipe a développé Final Fantasy II, III, IV… Les personnages sont devenus plus complexes, c’est aussi à cette époque que les bases du RPG ont été posées avec des héros qui évoluent selon les arrivées et les départs des personnages dans l’équipe. Comment se passait la création de jeux, et quelle était votre vie à cette époque ?

Hironobu Sakaguchi : Ce qui était le plus important, et ce qui nous influençait le plus, c’était l’évolution des consoles. La Famicom s’améliorait avec le temps, la technologie MMC (Memory Management Controller) de Nintendo passait de MMC1 à MMC2… Le fait que les bases du RPG s’améliorent aussi a été très important pour nous. Concernant la dramaturgie des jeux, j’avais en effet envie de rendre Final Fantasy plus complexe. Pour Final Fantasy I et II je dessinais un storyboard et je le transmettait à un programmeur. À partir de Final Fantasy III j’ai eu envie de changer la manière de procéder en utilisant un système de scripts avec lequel nous étions capables, en tant que game designers, de créer une première base de programme pour mieux exprimer ce que l’on voulait.

Final Fantasy V est le dernier titre sur lequel vous avez travaillé en tant que réalisateur. Vous avez collaboré en bonne intelligence avec Yoshinori Kitase, mais avec aussi un peu de rivalité amicale. Comment avez-vous travaillé ensemble ?

Hironobu Sakaguchi : Au départ, on ne s’était pas du tout réparti les tâches, nous n'avions pas décidé qui faisait quoi. Au fur et à mesure, nous avons pris conscience que Yoshinori Kitase était meilleur pour tout ce qui était « spectaculaire » tandis que moi je maîtrisais davantage les émotions, la dramaturgie des scènes plus calmes. L’équilibre s’est trouvé naturellement ensuite.

Vient ensuite Final Fantasy VI pour lequel vous avez pris le rôle de producteur. Concrètement, qu’est-ce que cela a changé pour vous en matière de conception du jeu ?

Hironobu Sakaguchi : En réalité, cela n’a pas changé grand chose. La raison pour laquelle je suis devenu producteur est simple : je me suis dit que pour motiver l’équipe, il fallait que tout le monde monte en grade. En me passant producteur, Monsieur Kitase pouvait ainsi devenir réalisateur, etc. En matière de travail, j’ai fait exactement la même chose que pour les jeux précédents.

Vous avez également travaillé sur Chrono Trigger avec Yūji Horii et Akira Toriyama. Est-ce que le fait de travailler avec une telle dream team a changé votre façon d’appréhender les choses ?

Hironobu Sakaguchi : Bien avant de travailler avec lui, j’étais un grand fan d’Akira Toriyama. Vous imaginez bien que toute l’équipe et moi étions très contents de travailler avec lui et nous étions émus à chaque fois que l’on recevait ses dessins. Chrono Trigger est vraiment un jeu que nous avons eu du mal à développer : la première version n’était pas satisfaisante. Nous l’avons détruit une première fois pour tout refaire. La mise au monde de Chrono Trigger a été plutôt difficile et désagréable mais c’est grâce à cela que nous sommes satisfaits du jeu.

Illustration de Yoshitaka Amano pour Final Fantasy II
Une illustration de Yoshitaka Amano utilisée pour la jaquette de Final Fantasy II.

Nous n’avons pas parlé de Yoshitaka Amano qui a son importance dans l’histoire de Final Fantasy. Pouvez-vous raconter votre rencontre avec lui ?

Hironobu Sakaguchi : Je connaissais ses dessins depuis que j’étais au lycée car Monsieur Amano dessinait des illustrations pour des romans de Hideyuki Kikuchi (« Vampire Hunter D ») et Kaoru Kurimoto (« Guin Saga »). Kikuchi est un auteur qui écrit des textes abstraits, j’avais été impressionné par la capacité de Yoshitaka Amano à illustrer des choses abstraites comme « une femme si belle qu’elle ne peut être dépeinte ». Lorsqu’il a fallu créer des illustrations pour les personnages de Final Fantasy, Koichi Ishii avait proposé Yoshitaka Amano. Je me souviens du fait qu’il ne connaissait pas du tout l’univers des jeux vidéo mais qu’il a tout de suite accepté car c’était nouveau. Il avait beaucoup d’enthousiasme pour ce nouveau défi.

Final Fantasy a connu un véritable succès à partir de Final Fantasy VII, y compris dans des pays qui ne s’intéressaient jusqu’alors pas du tout à la série. Qu’avez-vous ressenti à l’époque en apprenant que Final Fantasy VII cartonnait à l’étranger ?

Hironobu Sakaguchi : C’est vrai, jusqu’à Final Fantasy VI, les ventes à l’étranger n’étaient pas exceptionnelles, voire très basses. J’étais déçu et je me suis renseigné pour tenter de comprendre pourquoi il subsistait une telle différence. On m’a expliqué que le pixel art et les personnages avec de grosses têtes donnaient l’impression en Occident qu'il s'agissait de jeux pour enfants. Ça m’a beaucoup frustré et j’ai voulu trouver des solutions pour que le jeu soit un succès également dans le reste du monde. Je me suis dit que Final Fantasy VII était peut-être l’occasion de changer cela. Nous avons recruté un spécialiste du marketing que nous avons envoyé aux États-Unis pour adapter l’œuvre au marché occidental. Pour l’anecdote, un jour ma fille et le fils de cette personne se sont rencontrés à Disneyland et… Ils se sont mariés l’année dernière ! La vie est pleine de hasards !

Dans Final Fantasy VII, que souhaitiez-vous particulièrement raconter à travers l’histoire ?

Hironobu Sakaguchi : L’histoire est un peu triste. À cette époque, ma mère venait de décéder dans un accident. Je me suis alors mis à beaucoup réfléchir à des questions existentielles comme : « Qu’est-ce que la vie ? ». J’ai voulu, à travers Final Fantasy VII mais aussi le film Final Fantasy : Les Créatures de l’Esprit que je développais en parallèle, parler de la vie et de ces questions qui me hantaient.

Final Fantasy VII Remake est une réinterprétation assez audacieuse du jeu original. Y avez-vous joué et qu’en avez-vous pensé en tant que créateur de Final Fantasy VII ?

Hironobu Sakaguchi : J’y ai un peu joué, mais ce qui me touche le plus vis-à-vis de ce remake, c’est le parcours de Yoshinori Kitase. Monsieur Kitase a rejoint l’équipe à partir de Final Fantasy VI, avec un penchant pour le côté spectaculaire et cinématique. Le fait qu’il se soit occupé du Remake lui a donné l’occasion d’exprimer tout son talent. Je vois Yoshinori Kitase comme un ami et disciple, c’est donc ça qui me reste à l’esprit et qui me fait plaisir quand je pense à Final Fantasy VII Remake.

Nous avons souvent entendu dire que votre Final Fantasy favori était le IX. Pour quelles raisons ?

Hironobu Sakaguchi : Nous avons développé quelque chose de nouveau avec Final Fantasy VII et l’arrivée de la 3D. À l'époque, la 3D permettait surtout de développer facilement des rendus métalliques, des textures un peu rouillés. On s’était donc un peu éloignés de l’esprit d’origine de la série, alors que Final Fantasy IX était une forme de retour aux sources. C’est comme si nous avions pris tout ce qu’était Final Fantasy I à VI et qu’on les avait exprimés sous une nouvelle forme. Cela ne veut pas dire que je n’aime pas Final Fantasy VII et VIII, mais je retrouve dans le IX davantage l’esprit de ce qu’était Final Fantasy au commencement.

Lost Odyssey de Mistwalker
Fantasian de Mistwalker
Lost Odyssey et Fantasian, deux jeux créés par Hironobu Sakaguchi et son studio Mistwalker.

Parlons de Mistwalker, la société que vous avez créée après avoir quitté Squaresoft. Vous avez travaillé à nouveau avec Akira Toriyama dans le cadre de Blue Dragon. C’est aussi une collaboration avec Microsoft. Pourriez-vous nous parler de cette expérience ?

Hironobu Sakaguchi : Quand je suis devenu indépendant j’ai commencé par me reposer. Finalement, l’envie de créer est revenue rapidement. Comme nous avions déjà travaillé ensemble sur Chrono Trigger et que nous étions tous les deux satisfaits du résultat, j’ai pu avoir une réponse assez rapide de sa part. D'ailleurs c’est Akira Toriyama qui m’a présenté plus tard Takehiko Inoue (designer des personnages), avec qui j’ai créé le jeu Lost Odyssey.

Que ce soit Blue Dragon ou Lost Odyssey, les deux sont sortis sur Xbox 360. C’est une époque où Microsoft tentait d’augmenter sa popularité auprès du marché japonais. Vous avez été essentiel dans cette stratégie, quels souvenirs en gardez-vous ?

Hironobu Sakaguchi : Ma réponse sera terre-à-terre mais quand je travaillais avec Nintendo et Sony nous sortions d’abord les jeux au Japon puis nous les exportions ensuite en Amérique du Nord. Avec Microsoft, c’était l’inverse : ce n’était plus le Tokyo Game Show qui importait mais l’E3 de Los Angeles. Pour Blue Dragon, par exemple, je suis allé deux fois à Japan Expo, à Paris, et j’ai répondu à 50 interviews. C’était épuisant. Il fallait d’abord sortir le jeu aux États-Unis et seulement après le faire connaître au Japon. C’était une démarche très nouvelle. Cela m’a aussi fait réaliser que les priorités des joueurs étaient différentes au Japon et en Occident. Je me souviens notamment que la synchronisation labiale était très importante pour les joueurs aux États-Unis. C’est un point que nous avons particulièrement bien travaillé dans la version anglaise de Lost Odyssey. Du coup, la version japonaise est complètement désynchronisée !

Pour The Last Story vous avez de nouveau travaillé pour Nintendo en tant que réalisateur. On retrouve dans ce jeu des marqueurs qui vous sont propres : une grande ville développée, des éléments scénaristiques aux inspirations proches de vos précédentes œuvres. Dans quel état d’esprit étiez-vous quand vous avez travaillé sur ce jeu.

Hironobu Sakaguchi : Je suis un grand fan de MMORPG, vous le savez peut-être mais je suis en ce moment à fond dans Final Fantasy XIV et j’y joue tous les jours. Sur The Last Story, le concept était de mettre au cœur du jeu le rôle de de tank (le personnage qui encaisse les dégâts).

Pouvez-vous aussi parler de Fantasian, le dernier jeu que vous avez publié ?

Hironobu Sakaguchi : C’est un jeu dans lequel j’ai apporté beaucoup de changements par rapport à ce que je fais habituellement, notamment car il se joue sur iPhone et iPad sur lesquels la définition des écrans est de très haute qualité. J’aimerais vraiment que ce jeu soit un peu plus connu, beaucoup de fans me demandent s’il sortira sur PC, s’il y aura une suite. Il n’y a rien de décidé pour le moment mais c’est une licence que j’aimerais développer davantage.

On a quand même l’impression que vous passez plus de temps à jouer à Final Fantasy XIV. Ça va niveau boulot ? (Rires)

Hironobu Sakaguchi : (Rires) Je joue à Final Fantasy XIV 5 à 6 heures par jour, c’est un serveur japonais mais je peux m’y connecter où que je sois. Avec Naoki Yoshida, nous avons même fêté mon anniversaire de joueur ensemble dans le jeu !

Pour finir, avez-vous un message à donner aux personnes présentes ici ?

Hironobu Sakaguchi : N’hésitez pas à venir me croiser dans Final Fantasy XIV. Je ne parle pas français mais si vous venez me poser des questions en anglais j’y répondrais avec plaisir ! « Thank you, merci ! »

Conférence animée par Esra Krabbe.
Transcription : Bastien Péan pour Final Fantasy Ring.

Photo : @fullfrontal.moe. Merci à @Sanosake.

Hironobu Sakaguchi pendant le développement de Terra Battle
Hironobu Sakaguchi pendant le développement de Terra Battle.

Interview : 5 questions à Hironobu Sakaguchi

À l'issue de la conférence donnée par Hironobu Sakaguchi, le papa de Final Fantasy a rencontré plusieurs journalistes et créateurs de contenus pour de courtes sessions de questions-réponses. L'interview ci-dessous a été menée par Maroine, dit "Denden", en compagnie du site Gouaig. Maroine a accepté de partager un condensé de cet échange en exclusivité pour Final Fantasy Ring. Merci à lui, et bonne fin de lecture !
 

Que pensez-vous du très fort attachement de certains joueurs à vos personnages ? Je pense par exemple à Aerith... Si c'était à refaire, aurait-elle le même destin ?

Hironobu Sakaguchi : Le fait que les joueurs s'attachent aux personnages grâce aux histoires que l'on raconte à travers les jeux est très important. Quand je vois que les joueurs sont autant touchés, ce qui est le fruit du travail opéré sur l'évolution des personnages, c'est la preuve que j'ai réussi à transmettre ce que je voulais. Concernant Aerith, si des gens ont été choqués par sa mort, peut-être que je devrais m'excuser ? (Rires) D'un autre côté, c'était son destin, et la façon dont sa vie devait se dérouler.

Final Fantasy IX est votre Final Fantasy préféré. Il dispose d'un système de combat au tour par tour, ce qui est également le cas de Fantasian, avec une approche plus moderne. Préférez-vous les combats au tour par tour ou les RPG d'action ?

Hironobu Sakaguchi : Dans la série Final Fantasy, les combats sont encadrés la plupart du temps par un système au tour par tour. Je sais qu'en Amérique du Nord, les joueurs préfèrent les systèmes de combat plus dynamiques, mais je suis persuadé que le tour par tour peut encore évoluer : je ne lâche rien, et je poursuis mes efforts.

On sait que la musique est l'un des piliers du succès de vos créations. Je pense notamment à Nobuo Uematsu qui est l'un de vos amis avec lequel vous travaillez depuis longtemps. Comment vous organisez-vous pour créer une bande-son qui corresponde parfaitement à l'ambiance et aux thèmes du jeu ?

Hironobu Sakaguchi : Dans un premier temps, je transmets toujours le scénario à Nobuo Uematsu. Je ne lui donne pas plus de détails, je lui explique le thème, l'histoire, l'émotion que je veux faire naître chez le joueur. Mais on parle de tout cela de manière informelle, on en discute entre-nous de manière assez fluide... Et maintenant cela fait 40 ans que l'on travaille ensemble de cette manière. Je le laisse libre de composer, puis lorsque la bande originale est terminée, mon travail est d'intégrer chaque morceau au moment le plus opportun.

Fantasian a impressionné par ses décors réalisés à l'aide de maquettes et sa jouabilité au style unique. Le succès semble au rendez-vous sur les terminaux Apple, est-ce que vous pensez le distribuer sur un autre support comme les consoles de salon ? Et en version physique ?

Hironobu Sakaguchi : À ce jour, il n'y a pas de projet concret. Si vous me demandez ma propre volonté : oui j'aimerai bien que ce jeu soit jouable sur PC et sur console pour qu'un maximum de personnes puissent y jouer !

Vous avez plus tôt fait mention du fait que vous aimiez les mangas. Appréciez-vous One Piece ? Pouvez-vous citer trois manga que vous lisez en ce moment ?

Hironobu Sakaguchi : Désolé je ne lis pas One Piece. (Rires). En revanche je lis Spy Family, Jujutsu Kaisen et Kaiju n°8.